La généralisation de la contamination de nos ressources en eau potable est en marche !

En Seine-Maritime, à Bolbec, une nouvelle contamination majeure des ressources en eau potable, par la substance N-Nitrosomorpholine, a été annoncée officiellement par le préfet hier. Cette substance est reconnue comme « cancérigène probable » par le Centre International de Recherche sur le Cancer (CIRC). La nappe est tellement contaminée qu’elle doit être tout simplement abandonnée. La vingtaine de milliers d’habitants de Bolbec et des communes environnantes ont donc appris avec stupeur qu’ils ont bu pendant des décennies une eau dangereuse pour la santé, probablement cancérigène. Des bouteilles d’eau minérale vont leur être distribuées pour leurs besoins alimentaires, pendant les prochains mois, voire les prochaines années, jusqu’à ce qu’une nouvelle ressource en eau soit acheminée par des canalisations à mettre en place, pour être injectée dans le réseau de distribution bolbécais.

C’est un pas de plus vers la contamination généralisée des ressources en eau de ce département. En 2010, l’Agence Régionale de Santé annonçait que 129 400 habitants du département avaient été alimentés par une eau non conforme en pesticides et 14 200 par une eau non conforme en nitrates. En 2011, le chiffre pour les pesticides passait à 339 000. En 2011 en Seine-Maritime, un habitant sur 3 a eu à son robinet, à un ou plusieurs moments de l’année, une eau dépassant les normes en pesticides et/ou en nitrates. A cela s’ajoute 27 000 habitants des secteurs de Montville et près de Dieppe qui ont eu en 2011 et les années précédentes des dépassements de normes en tri et tétrachlorotéhylène, pollutions provenant d’anciens sites industriels pollués.

Face à cette situation plus qu’alarmante, que fait l’administration en charge de la police des eaux à l’encontre des pollueurs ? Rien… ou presque. Pas un mot des services de l’Etat ou de la Communauté de communes Caux-Vallée de Seine sur la source probable de cette pollution ! Comme lorsqu’il s’agit de pollution aux pesticides et nitrates due à l’agriculture intensive, il ne faut surtout pas porter ombrage aux puissants lobbies, ici de l’industrie, en faisant supporter aux pollueurs la prise en charge de mesures de dépollution ou de traitement des polluants. Tant pis pour les habitants, ils feront comme dans beaucoup de pays moins développés que le nôtre : ils ont de l’eau courante à tous les étages mais il ne faut surtout pas la boire !

Comme d’habitude, ce sont non pas les pollueurs, mais les contribuables qui vont payer la note (élevée !) du choix d’une solution palliative, à savoir l’abandon du captage et le raccordement à un autre moins pollué (pour l’instant ?), comme le regrettait l’association des consommateurs UFC-Que Choisir, lors de la parution en mars dernier de son étude sur la pollution des eaux de consommation. Comme d’habitude, surtout pas de mesures contraignantes pour faire stopper la source de pollution !

Pourtant on sait qu’il existe des infiltrations importantes de la rivière le Commerce vers la nappe phréatique qui alimente le captage de Gruchet-le-Valasse. On sait également que la vallée du Commerce est le troisième pôle industriel de la Haute-Normandie, et qu’un certain nombre d’usines déversent depuis des décennies des effluents toxiques dans ce cours d’eau. Par exemple, l’usine pharmaceutique ORIL, appartenant au laboratoire Servier, rejette dans la rivière un cocktail de produits chimiques et notamment des nitrosamines, dont la N-Nitrosomorpholine fait partie… Ainsi à Bolbec, la Direction Régionale de l’Environnement, de l’Aménagement et du Logement (DREAL), chargée de l’inspection des installations classées, sait depuis longtemps que l’usine ORIL est un pollueur potentiel rejetant dans la rivière et par conséquent dans les eaux souterraines nombre de produits chimiques dangereux (1), dont les nitrosamines aujourd’hui incriminés, mais rien n’a été fait qui aurait pu contrarier son activité.

La dissémination dans l’environnement des substances chimiques CMR (cancérigènes, mutagènes, toxiques pour la reproduction) est l’un des graves dangers qui menace l’espèce humaine. Elles sont déjà partout : dans notre sang, dans toute la chaîne alimentaire, dans les rivières et les sédiments marins, et bien évidemment dans les ressources en eau utilisées pour produire une eau que l’on disait potable. L’inaction à l’encontre des pollueurs risque de rendre le phénomène de contamination chimique irréversible. Bolbec en est une nouvelle preuve.

Laetitia SANCHEZ
Secrétaire Régionale EELV – Haute-Normandie

Jean-Louis MICHAUX
Secrétaire du Comité Local EELV – Caux Seine

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